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Publié le par Belette à La Mer

 

Sola, blonde sublime aux cheveux si clairs qu’ils tirent sur le blanc, en salopette rose, dévore un saucisson en attendant le dîner. « Le Gras, c’est bon ! » professe-t-elle. Deux gigots d’agneaux cuisent au four. Une vapeur lourde flotte dans le bateau. Végétarienne ou pas, impossible de ne pas saliver. L’instinct du froid prend le pas sur les idéaux. J’ai bien trouvé quelques pissenlits, feuilles d’oseille et fleurs comestibles sur le sentier, mais avec les températures qui nous empêchent de quitter le bonnet sitôt le soleil voilé, la salade ne suffit pas. Il faudra les patates, la sauce et même la viande – servie ici avec des grains de maïs et des petits pois en boite, froids, ainsi que de la confiture de rhubarbe. Un coup de vin d’Oc la dessus… En attendant le petit déjeuner à base de pâté, de salami, de fromage, d’œufs de poisson et de poisson fumé. Le gras fait partie de la stratégie de survie. Comme les protéines animales. Siggy n’est donc pas le seul à développer ses théories alimentaires proches de la culture inuit. Les citadines de Reykjavik qui ne démarrent jamais la journée sans quelques mouvements de gym ou de yoga sur le pont – où le thermomètre peine à dépasser les dix degrés – suivent le même régime.

 

Falaise aux zozios

 

La semaine à bord d’Arktika autour du Hornstandir – le cap Nord Ouest Islandais- se poursuit. Les filles passent leurs journées à escalader des montagnes. Nous les débarquons avec vélos et pic-nics le matin sur un estran et les récupérons en fin de journée de l’autre bord du col, dans le fjord suivant. Dès le retour, bières et cocktails sont de sortie. La fête commence et dure tard dans la nuit. Après une halte dans la grande baie d’Ađalvik, le ketch met cap sur le large et frôle la « falaise aux oiseaux ». Il faut s’approcher vraiment de la roche pur découvrir les couleurs des jardins suspendus, minuscules et les infractuosités où nichent Pétrels, Sternes, Mouettes et Goélands. Sitôt qu’un peu d’herbe ou de mousse trouve sa pitance le fil des ruissellements, les Macareux, Mergules et Guillemots se calent pour quelques mois. Serrés flans contre flans, il piaillent, se chamaillent ou se câlinent, selon le moment et le tempérament. Pour quelques mois et avant de retourner au large, ils habillent la falaise de cris et de frémissements. Ils sont si nombreux que la surface, sous leurs nids, est semée de plumes.

 

Autour de la coque, tandis que nous approchons tout près des flans sombres, ce n’est que pédalages fébriles, décollages laborieux – les alcidés volent mal – et plongeons à la sauvette. Les clients filment le spectacle. Je m’extasie aux jumelles. « Tiens ! Une corde... » Quelqu’un escaladerait-il donc la falaise de cette réserve naturelle ? Siggy gromelle une réponse et s’éclipse avec élégance et autorité. Prière de ne pas creuser.

 

Svardur, l’amoureux d’une des pédaleuses, explique que les Guillemots peuvent se tirer au fusil car ils flottent une fois mort. On les chasse donc en bateau. Par centaine. Sinon ça ne vaut pas la peine. Ils sont si petits qu’il convient de les ramener par dizaines. Ils sont succulents, jure-t-il, mais fastidieux à préparer, du fait de leur taille. Lui préfère les Pétrel fulmar. Sur la route du Sud, quand il part chasser le renne, il lui arrive souvent de s’arrêter « prendre » quelques dizaines de volatiles.

 

C’est une traque différente car les Fulmar vomissent quand on les tire, ce qui gâche la viande. Il convient donc de les assommer. « C’est violent mais efficace » résume ce molosse à la voix douce. Comme les Fulmars peinent à redécoller s’ils se posent sur un sol plat, les chasseurs connaissent les lieux où les Pétrel se laissent piéger au moment de la nidification, quand ils vivent à terre. Ils les poursuivent là où ils se posent, dans les plaines. Puis ils les sèchent d’un coup de bâton. C’est aussi la tactique qu’emploierait parfois le Grand Labbe, un autre prédateur de Pétrel. Il pourchasse les oiseaux en vol jusqu’à ce qu’épuisés ils se posent sur un endroit d’où ils ne pourront repartir.

 

Ailleurs, comme dans cette falaise probablement, les chasseurs se hissent à flan de falaise équipés de filets à long manche - façon épuisette à crevettes – Ils cueillent ainsi les Macareux au nid.

 

« For Fun 

« - No, for the soup ! »

 

Vous chassez ainsi pour pour le plaisir ?

Non ! Pour la soupe !

 

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