Elle voulait voir des macareux

Publié le par Belette à La Mer

 

 

Des macareux et des renards. Comme elle était blessée et ne pouvait suivre ses furies de copines en vélo sur les pentes, Vidar m’a donné la journée pour lui servir de guide sur les sentiers du Hornstandir, le cap Horn local : Sept cent mètres de falaise tombant vertical sur le Détroit du Danemark, la pointe Nord-Ouest de l’Islande. Casse-croûte et couverture de survie, GPS en cas de brume. Le sentier monte à fleur d’abîme, vert et mouillé. Un nuage s’accroche à la dentelle de roche du sommet. Cette falaise est comme une muraille, mais aussi comme une montagne, avec ses climats, ses paysages, ses sources, ses cascade,s ses jardins suspendus, et ses habitants, criards qui cohabitent en geignant. Dans la baie, en face, la prairie descend en pente douce, un triangle de signalisation pour guider d’hypothétiques bateaux visiteurs. Plus haut, deux grands oiseaux patrouillent en se dandinant. Des cygnes ! Chez eux dans le vaste amphitéâtre vert, roche et neige.

 

Soudain, droit devant dans les fleurs, une parfaite peluche aux yeux sombres, aux oreilles rondes, pataude et incertaine, nous observe. Un renardeau polaire. Cette falaise serait le lieu au monde où leur concentration serait la plus élevée. Comme l’endroit est classé réserve naturelle et qu’il n’est habité que l’été, l’animal n’y est pas chassé. Avec les Pétrel et les alcidés nichant par dizaine de milliers dans la falaise, à portée de pattes, ils prolifèrent. Elle voulait voir des renards. Nous avions toute la portée pour ainsi dire à portée de main. Sauts de cabris, roulés boulés dans les fleurs, chamailleries et remise en ordre par la mère. Famélique et fatiguée, la femelle va et vient jusqu’au feston de la falaise. Elle s’affaire. Concentrées sur ses boules de poils de rejetons, nous n’y prêtons pas attention. Jusqu’à ce qu’elle vienne enterrer un oiseau presque entre nos semelles. Gratte le sol si fin sur la roche. Pousse du museau le petit corps plumeux. Retasse la poussière par dessus. On rirait presque de son projet, tant le sol est fin… Elle sait s’y prendre, la belle. Impossible de dire où elle a planqué son oiseau après qu’elle soit passée. Passons nous-mêmes notre route.

 

Jessica, la visiteuse blessée, murmure un extatique « Il ne me reste plus que des macareux à voir et je serai comblée. » Quelques pas plus haut, une autre portée de renardeaux nous force à l’arrêt. Ils jouent cette fois, avec ce qui ressemble à un objet. Accroupies dans les fleurs, nous observons en silence. Soudain, un renardeau s’échappe de la mêlée et fonce vers nous. Passe entre nous sans s’inquiéter, en courant, un macareux mort entre les dents. Je n’ose lever les yeux vers Jessica, qui rit jaune. Comblée !?

 

 

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