Tassilaq

Publié le par Belette à La Mer

Le brouillard lève une paupière quand nous entrons dans l’anse de Tassilaq. Dômes de granit, nuées éprises de hauteurs, tours, pics et phoques joueurs s’éclipsant entre les icebergs. « L’entrée est très étroite, la baie vaste comme un lac, on y trouve abri quelque soit le temps. » explique Siggi en pilotant dans un passage d’eau libre. Après cinquante-cinq heures de voyage, il se prépare à mouiller à quelques mètres de la capitale de la côte Est : lumière bleue, icebergs, maisons de couleurs.

 

 

Siggi et son père fréquentent ces lieux depuis plus de dix ans, ils ont des amis au village. Depuis que nous sommes arrivés ils se donnent la réplique, ravis, intarissables. Autour de la table où nous fêtons la fin de la traversée, ils donnent le ton du continent que nous venons de toucher. « Si des orques ou des baleines entrent ici, les gars filent chasser, toute affaire cessante. » Qu’ils soient policier, marin du ferry, employé de la coopérative Pilersusoq ou cantonnier, tous les hommes lâchent leurs obligations et leur clientèles, horaires, rendez-vous pour foncer vers les bateaux. La vie reprend quand la chasse est terminée. « Il serait ridicule d’imaginer qu’il en soit autrement. » conclue Jon.

 

La dernière fois qu’ils étaient ici, ils ont été réveillés par des tirs de carabine au milieu de la « nuit ». Remue-ménage sur la grève : un garçon venait de pêcher son premier orque, on tirait la bête sur la plage. « Ce jeune ressemblait à n’importe quel ado de Reykjavik ! » assure Siggi pour que nous ne nous méprenions pas d’époque. « Il mettait à jour sa page facebook et était tout fier d’y poster des images de sa première capture de taille. » «Lui et sa famille ont pris ce dont ils avaient besoin. Pas plus ! » insiste Siggi. « Le reste du village a été invité à se servir. » Les gosses de cette région jouaient à colin maillard au siècle dernier sans bandeau pour se cacher les yeux. L’honnêteté fait partie de la panoplie de survie de ces endroits sans triche. 

 

Honnêteté et violence. « Un autre jour, nous avons été réveillés par un bruit d’hélico. Pour la seconde fois, une femme venait de poignarder son homme en tentant de le tuer. Dans le même appareil, on emmenait la femme et son mari. Elle, en prison. Lui, à l’hôpital. Le lendemain, ils sont revenus tous les deux de la même manière. Le mari n’allait pas si mal et comme il n’était pas mort, elle avait été relaxée. Ils vivent toujours ensemble ! » La police et la justice s’exercent dans les communautés une ou deux fois l’an quand le bateau de la police profite de la débâcle pour faire le tour des villages. Sur le même bateau se trouvent la police et le juge. Ils opèrent leur ministère à tour de rôle et règlent toutes les affaires de l’année d’un coup. Le reste de l’année, le bateau sert à aller chasser et pêcher.

 

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