Dread DrAke
Il est 7h15 ce matin là.
Il est 7h15, la preuve, c'est marqué sur le livre de bord de l'EuropA.
L'équipe de quart de deux à huit vient de profiter du soleil neuf, vif, pour établir les dernières voiles carrées. Le rose de l'aube a fait fleurir les cumulus de l'horizon avant de réchauffer le blanc de la toile. Les couleurs "Velourent" le ventre des alBatros.
Le Trois mâts porte tout dessus et file 7 noeuds dans le courant. Depuis que nous avons quitté les Shetlands du SuD et la péninsule Antarctique, le Dread DRake ( le grand méchant DraKe ) nous a bien fait valser un brin, entre matinées printanières et coups de vents, courants mêlés, mer debout, tempête de neiGe et rafales.
Tu vas dormir c'est l'été, au moteur en t-shirt. Tu reviens, foRce 8, trois bouts de toile tendus comme des panses s'accrochent aux mâts comme ils peuvent. Charivari, poulies qui grognent et gros dos. "Versatile mais jouable". Un DraKe de rêve, affirment ceux qui, à bord, le courent - et le craignent - depuis dix ou quinze ans. "Il a juste levé le bas de la jupe et montré ses chevilles."
Tout dessus donc, au portant, sonné par les manoeuvres, la veille, et ces quelques jours de DanSe, chacun prie le ciel en douce de ne rien changer au programme avant la relève de huit heures quand, donc...
Droit devant, déjà hautes de n'avoir pas été vues avant, des montagnes bleues sortent de la nuit.
Sans un mot, les uns après les autres se les montrent du doigt.
Il est 7h15 ce matin là et ce n'est pas un miraGe. Le temps sourit, le vent tient, et le caillou, droit devant, veux, veux pas, tu le reconnais. Même si tu n'es jamais passé par ici. Car on l'a tous dans les yeux la silhouette du Horn.